Entre les deux, son cœur balance

L’Ukraine se cherche depuis 1991 : l’Union Européenne ou la Russie. Avantages, inconvénients. Idéologie ou intérêts économiques et sociaux. Entre les deux, son cœur balance. Mais qui en fait les frais ? La question était sans réponse jusqu’au 24 février 2022. Depuis, on sait que la population locale en souffre, en meure et au-delà des frontières, le monde s’inquiète.

Avant ce cauchemar, on a pu avoir plusieurs alertes. Ce sont les crises de Crimée et du Donbass que j’essaye de décrire factuellement dans cet article. Je suis incompétent pour faire le tri des actualités sur l’invasion de l’Ukraine trop récente pour la décrire de façon simple.

Rappel historique sur la Crimée

Correspondant à l’antique Tauride, la Crimée a fait partie du monde grec au 6ème siècle avant JC, puis devenue romaine puis byzantine. Envahie par tous les peuples des steppes mongoles et tatars, elle a sa propre histoire jusqu’à son annexion dans l’empire russe en 1774.

La Crimée n’a jamais fait partie de la Rus’ de Kiev, et en 1169, elle est dans le khanat de Crimée.

Lorsque l’empire mongol/tatar se morcelle, le khanat tatar de Crimée devient indépendant de l’empire mongol en 1430 ; suivi par celui de Kazan en 1438 annexé par l’empire russe en 1552 et celui d’Astrakhan en 1466 annexé aussi par l’empire russe en 1556.

Les fils héritiers du khan de Crimée se déchirent et se succèdent les uns après les autres pour que finalement l’un d’entre eux se soumette en 1478 à l’empire ottoman venu l’aider.
Le khan de Crimée vassalisé va contribuer à l’expansion de l’empire ottoman vers la Moldavie et vers le Nord, va ravager Moscou en 1571 et réduire en esclavage une grande partie de la population, vendue à l’Empire ottoman. Au sein de l’empire ottoman, le khanat de Crimée était un des États les plus puissants d’Europe orientale jusqu’au xviiie siècle. Ainsi, il recevra des territoires au nord sur le Dniepr et le Dniestr. C’est la configuration géographique que l’on retrouve lors du Traité de Koutchouk-Kaïnardji en 1774 après l’invasion de Catherine II de Russie.
En 1783, le khanat est annexé par l’Empire russe comme gouvernement de Tauride.

Les tsars y mènent une politique de peuplement principalement par des Russes et Ukrainiens. Les tatars deviendront minoritaires. Ils sont persécutés ou expulsés jusqu’à la fin du xixe siècle.
Le khanat subira la Guerre de Crimée en 1855, et malgré la défaite de l’empire, reste russe. Il est abandonné à l’Allemagne en 1918 lors de la fin des combats par la république bolchevique, et reprend le statut de république autonome au sein de l’URSS en 1922.

Les Tatars de Crimée déjà devenus minoritaires sous l’empire russe subissent une déportation en 1944 vers l’Ouzbékistan, soupçonnés de collaboration nazie au cours de la 2ème guerre mondiale. Ils furent remplacés par des Russes et des Ukrainiens, qui représentaient respectivement 71,4 % et 22,3 % de la population en 1959. Pourtant réhabilités en 1967, les survivants ne reviendront pas; ils ne représentent qu’1,6 % de la population en 1989.

En 1954, à l’occasion du 300ème anniversaire du rattachement des provinces du Sud (celles qui feront l’Ukraine) à l’Empire russe, Khrouchtchev décide de rattacher l’oblast de Crimée, à l’Ukraine. Selon le communiqué officiel, ce choix est motivé par la proximité géographique, économique entre la Crimée et l’Ukraine, la réunion de ces deux régions sous une même entité politique facilitant le développement de la péninsule.

Un traité d’amitié avec l’Ukraine est finalement signé le 31 mai 1997, complété par des accords relatifs au partage de la flotte de la mer Noire et aux facilités d’utilisation de bases navales par les Russes en Crimée.

Révolution orange – 2004

Viktor Ianoukovytch pro-russe est élu président ukrainien en novembre 2004, alors que l’Ukraine oscille entre Union Européenne et Russie pour son avenir économique et démocratique depuis 1991. De nombreux ukrainiens perçoivent ce résultat truqué et y voient l’influence de la Russie.

Les protestations prennent de l’ampleur, soutenues et financées par l’Occident, totalement pacifiques. Avec l’accord des 2 candidats, le 2ème tour des élections est repris un mois plus tard et voit la victoire de Viktor Iouchtchenko, pro européen.

L’Ukraine se rapprochera de l’Europe pendant cette période.

Révolution ukrainienne – 2014

Suite à un de mes articles en 2014, j’ai retrouvé un documentaire du Monde du 5 aout 2014. Il est totalement d’actualité pour cet article auquel il va servir de support.
Il confirme mon article précédent en ce qui concerne l’histoire.

De 2007 à 2012, l’Ukraine et l’UE négocient un Accord d’Association initié par Iouchtchenko, président pro-européen depuis 2005, pour faire converger leurs politiques économiques, leurs législations et leurs règles communes.

L’Ukraine est proche du défaut de paiement y compris vis-à-vis de la Russie. Les dimensions économiques et monétaires de la crise et les contraintes imposées pour s’en sortir pèsent dans le refus de signature par Ianoukovytch, président pro-russe depuis 2010, une semaine avant la date de la signature prévue le 23 novembre 2014.

Le prêt de 20 MM d’euros par l’UE est suspendu. La Russie lui propose ce prêt pour 15 MM d’euros, dont le premier tirage est effectivement versé le 5 décembre. Cet accord sera finalement signé par Porochenko et ratifié en 2017.

Or, selon un sondage en 2008, 45 % de la population ukrainienne est favorable à une adhésion à l’UE et 35 % contre.

Ce revirement provoque des manifestations majeures sur la place Maïdan de Kiev et vont se transformer en manifestations anti-Maïdan – “printemps russe” – et affrontements mortels, c’est la révolution de Février.

 Ianoukovytch est destitué.

Annexion de la Crimée – 2014

Malgré le traité d’Amitié de 1997, Vladimir Poutine considère le nouveau gouvernement illégitime et annexe la Crimée en 2014 : un mois de crise résumé dans l’article du Monde avec les étapes essentielles :

  • Le 11 mars, le parlement de Crimée déclare l’indépendance de la république de Crimée
  • Le 16 mars, référendum. La question posée est :

« Cochez la case correspondant à la variante pour laquelle vous votez :

  • 1) Êtes-vous favorable à la réunification de la Crimée avec la Russie dans les droits de la Fédération de Russie ?
  • 2) Êtes-vous favorable au rétablissement de la Constitution de la République de Crimée de 1992 et pour le statut de la Crimée dans le cadre de l’Ukraine ?»

Accusé de fraudes, le résultat officiel du référendum est de 96,6 % de « oui » au rattachement à la Russie, pour un taux de participation estimé de 30 à 50%, mais imaginé probablement similaire si une supervision d’observateurs de l’OSCE avait eu lieu.

Les autorités russes se félicitent de la déclaration d’indépendance en s’appuyant sur un précédent au Kosovo pour lequel l’ONU et plusieurs pays occidentaux avaient estimé « qu’une déclaration unilatérale d’indépendance d’une partie d’un État ne violait aucune norme du droit international »

  • Le gouvernement ukrainien commence alors à retirer ses troupes de Crimée.
  • Le 27 mars, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution non contraignante qui dénonce le référendum en Crimée et le rattachement de cette péninsule à la Russie : 100 voix pour, 11 contre, 58 abstentions et une vingtaine d’absents.
  • Le 11 avril, une nouvelle constitution confirmant l’appartenance à la Russie est adoptée
  • Le 14 avril, Sergueï Aksionov est nommé chef de la république de Crimée par intérim par Vladimir Poutine.

En un mois, tout est bouclé. Le 14 septembre, des élections législatives sont organisées. Elles sont remportées par Russie unie.

Construction du pont de Kertch.

L’idée avait germée avec Hitler, puis par l’Armée Rouge et même un projet commun Ukraine-Russie lancé en 2010 que la Russie décide de faire seule en 2014 après l’annexion de la Crimée.

Le chantier démarre en février 2016, inauguré en mai 2018.

Guerre du Donbass – 2014

L’Accord d’Association en négociation avec l’UE prévoit l’application d’une charte sur les langues régionales – il y en a 12 en Ukraine, dont le russe -, ce qui promeut les langues à l’école, etc…. En 2012, on a déjà des soulèvements nationalistes qui contestent l’application de cette charte de peur de voir le russe prendre le pas sur l’Ukrainien. Et pourtant Ianoukovytch l’accepte. Le nouveau Président par intérim abroge cette loi, ce qui enflamme la population russe du Donbass. La loi sera immédiatement remise, mais trop tard…La population ne fait plus confiance.

En mars 2014, plusieurs milliers de manifestants dans le sud-Est du pays pour l’établissement d’une république autonome, escalades, fusillades, morts. Les séparatistes et nationalistes s’affrontent, tous radicaux.

L’armée ukrainienne intervient avec avions, chars.
La Russie met en garde, elle est accusée de soutenir les séparatistes.

Un referendum jugé illégal par Kiev est organisé par les séparatistes dans les 2 provinces du Donbass le 11 mai 2014 sans observateurs : avec 75% de votes parmi les 7,3 millions d’ukrainiens appelés, 89% sont pour, et 10% contre la souveraineté étatique des 2 républiques autoproclamées du Donetsk (7 avril) et Lougansk (11 mai).

Kiev et l’Occident ont peur de revoir un processus similaire à la Crimée.

Les combats continuent.

Premier accord de Minsk en septembre pour un cessez-le-feu qui ne dure que quelques semaines.

Deuxième accord en février 2015 qui prévoit, outre le retrait des troupes, la révision de la constitution de l’Ukraine et la mise en place d’un gouvernement provisoire dans l’Est.

Depuis 2015,

  • le cessez-le-feu est souvent interrompu.
  • Le Donbass s’appauvrit : les séparatistes ne survivent que par une économie mafieuse (flux illégaux de charbon…) pas toujours suivis en interne tandis que Kiev « abandonne » la région à son sort
  • Moscou et Kiev envisagent l’avenir de 2 façons incompatibles, bloquant la mise en place des accords de Minsk, faisant du Donbass un poids mort dont plus personne ne veut, sauf comme mécanisme de pression sur la communauté internationale pour leurs propres visions de l’avenir de l’Ukraine.

Invasion de l’Ukraine – 2022

L’objectif de ces articles étant pour l’instant de partager l’histoire pour comprendre les évènements actuels; il est trop tôt pour faire une synthèse de l’actualité et de l’origine de l’invasion

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